• Provence : Noël s'approche, bientôt il faudra "faire" la crèche…

    Crèches et santons de Provence : un peu d'histoire…

    Les origines de la crèche provençale remonteraient aux XIIe-XIIIe siècles, en Italie : à cette époque, dans les églises italiennes, on représente les personnages de la Nativité par des sculptures mobiles, c'est-à-dire non fixées; mais ce n'est qu'au XVIIe siècle qu'elles franchirent les Alpes et arrivèrent en Provence.

    Provence : Noël s'approche, bientôt il faudra "faire" la crèche…

    Les santons sont souvent de vraies petites œuvres d'art /Photo C.R.

    Par ailleurs, on attribue l'invention des crèches vivantes à Saint-François d'Assise qui, au XIIIe siècle, dans une étable abandonnée des Abruzzes, mit en scène une représentation de la Nativité, avec des personnages et des animaux vivants. Mais la mère du Saint, Pica Bernardone de Bourlemont, était tarasconaise : pourrait-elle avoir exporté les premiers santons ? Ce n'est pas impossible, car plusieurs figurines gallo-romaines ont été retrouvées dans les fouilles archéologiques en bordure du Rhône, dont la danseuse décapitée des Alyscamps, exposée à la Maison Carrée de Nîmes. Et des Nativités ont été découvertes en Arles sur des couvercles de sarcophages paléo-chrétiens datant du IIIe siècle…

    La crèche se veut un archétype du village provençal où chaque villageois a sa place : le meunier, le boulanger, le berger, l'étameur, la marchande de poissons… La mise en scène de la crèche est une projection, une tranche de la vie communautaire, avec le hameau, les maisons gigognes, le puits, le moulin, le four et son pigeonnier, les animaux domestiques.

    Le mot santon, santoun en provençal, vient de l'italien "santoni", petits saints. Car, bien avant les santonniers provençaux, on peut croiser à Marseille des Italiens vendeurs de "santibelli". En Toscane, ce mot désignait les enfants maladroits, empotés. Les vrais santibelli étaient de petits personnages de plâtre, représentant la Vierge, les Saints, des Évêques, des Cardinaux, des moines et même le Pape, peints dans le très laid goût sulpicien. Les marchands palermitains de santibelli avaient leurs ateliers et leur boutique place Neuve. C'est peut-être là que furent vendus les premiers santons marseillais, puis chez les bouchonniers de la rue Coutellerie et de la rue Fabre.

    Peu avant Noël, on plaçait les figurants de la crèche sur l'autel; ces figurines de bois sculpté devinrent au XVIIe siècle des mannequins habillés d'étoffes dont seuls les pieds et la tête étaient modelés. Ce ne sera que deux siècles plus tard que l'on commencera à fabriquer des santons en argile crue. C'est à la même époque que les personnages des crèches parlantes rejoignent ceux plus classiques des crèches d'église, tandis que les crèches vivantes donnent naissance aux pastorales. Les crèches parlantes, leurs spectacles mi-religieux mi-folkloriques, connaissent un large succès, leurs automates et leurs rémouleurs articulés fascinent les enfants.

    Mais c'est avec la Révolution et l'interdiction des messes de minuit et des crèches dans les églises que commence le véritable essor de la crèche provençale. Des Marseillais installèrent à leur domicile des crèches "publiques", que l'on pouvait visiter moyennant une modeste contribution. L'usage naquit alors de faire la crèche dans chaque foyer.

    Fabrication : 

    Le métier de santonnier reste artisanal, quelle que soit la taille de l'atelier : la fabrication actuelle du santon d'argile n'a pas subi d'évolution depuis le début du XIXe siècle. Mais, bien entendu, chaque production porte la marque de la personnalité, de la sensibilité, des tours de main et des petits secrets de son créateur. Deux sortes d'argiles, la grise et la rouge sont utilisées, que l'on trouve en abondance à Aubagne, Aix ou Marseille. La terre brute de carrière est mise à tremper, délayée, puis tamisée. Le liquide est dirigé dans des bassins de décantation où il séjourne environ deux mois. Pendant la saison chaude, le soleil termine l'évaporation du surplus d'eau. Il reste alors une pâte que l'on récupérera dès qu'elle ne colle plus aux doigts. Elle est mise en cave et conservée plus de trois ans. 

    La "création" (c'est le terme employé par la profession à juste raison), le "numéro zéro", en quelque sorte, est modelée dans l'argile. Après séchage de l'argile, le santon est prêt pour le moulage, réalisé au plâtre fin ou en résine. Le premier moule n'est jamais utilisé mais daté, signé et conservé précieusement comme "témoin", preuve de propriété artistique et commerciale. D'autres moules sont préparés pour servir à la reproduction du sujet.

    Chaque sujet est obtenu en pressant un colombin d'argile dans le moule. Une fois le santon sorti du moule, encore frais, il est ébarbé, parfois délicatement lavé au pinceau pour en atténuer les irrégularités, puis séché à l'air et durci pendant huit à dix jours selon sa taille avant de passer au four. Le chauffage se fait en plusieurs étapes (pour éviter que le dégazage ne fasse éclater le santon), pendant neuf à douze heures, jusqu'à 960°C environ. Le four doit rester fermé 48 heures pour refroidir avant d'en extraire les santons qui sont désormais en terre cuite. 

    Intervient alors la phase de décoration. Le santonnier procède alors au choix des couleurs et à leur application. Il peint les santons en série (tous les visages, les chevelures, les vêtements…) en commençant par les couleurs claires; le socle est traditionnellement de couleur verte. Les santons de qualité doivent être peints à la peinture à l'huile mate.

    La tradition ancienne des santons d'argile habillés est toujours vivace. Ils représentent en général les petits métiers et s'offrent toute l'année. Certains santonniers cuisent le santon d'une seule pièce avant de l'habiller, d'autres roulent séparément le corps, la tête et les membres, assemblant le tout avec du fil de fer. Les costumes sont alors réalisés très minutieusement, montés et cousus sur le santon avec goût et délicatesse. On rajoute ensuite les accessoires, chapeaux, balances, fagots, paniers etc. Les personnages sont sculptés en référence à la pastorale Maurel, certaines localités rajoutent des personnages, en fonction de leur histoire. Le premier santon est d'origine marseillaise, le moule le plus ancien étant celui de Lagnel. Il est présenté au Musée du Vieux-Marseille. 

    Personnages : 

    Chaque santonnier a, en fait, créé quelques types en s'inspirant du folklore et de la tradition comme le berger offrant l'agneau, rappel du pastrage, et de la femme à la poule noire dont le bouillon était recommandé aux nouveaux-nés. Ils sont très nombreux; commençons par les premiers rôles :

    La Sainte Famille, inspirée de l'imagerie pieuse : l'Enfant-Jésus a le buste et les jambes nus. À son chevet, Marie et Joseph sont debout ou à genoux : elle, vêtue d'une tunique rose ou rouge et d'un manteau bleu; lui, d'une tunique grise ou brune et d'un manteau jaune. Généralement en blanc, accroché au toit et soufflant dans une trompette, l'Ange annonciateur figure sous les traits du "Boufareu" (joufflu).

    L'âne et le bœuf : toujours représentés agenouillés, le bœuf curieusement de même dimension que l'âne.

    Les bergers : en groupe et près de leur troupeaux. Emmitouflés dans leur houppelandes brunes, ils sont couchés ou debout (appuyés sur leur bâton), en compagnie d'un chien. Un jeune pâtre portant un agneau peut se tenir à l'entrée de l'étable.

    Le Ravi : coiffé d'un bonnet de nuit, les bras levés dans une attitude extatique, émerveillé par ce qu'il vient d'apprendre.

    Le Boumian : brun de peau, chapeau noir, barbu, cape et taillole (ceinture de drap enroulée autour de la taille) rouge sang, botté et coutelas à la ceinture, il est le voleur d'enfants, le marginal inquiétant en quête de mauvais coups.

    L'Aveugle et son fils : habit gris et noir. Toujours guidé par le fils qui lui reste. Il a perdu la vue pour avoir trop pleuré la disparition mystérieuse de l'autre garçon (enlevé par le Boumian). Les deux personnages sont sur le même socle.

    Pimpara, le Rémouleur ou Amoulaire : grand tablier de cuir, trogne enluminée, il est très porté sur la bouteille. Une gourde pend immanquablement au bras de sa meule qu'il pousse en zigzagant.

    Le Meunier Simoun : de blanc vêtu, taillole rouge et bonnet, il porte sur l'épaule un sac de farine, ou est juché sur un âne.

    Pistachié et Jigè : deux valets de ferme, les "peureux", Jigè et Pistachié, destinés à faire rire. Pistachié (aussi appelé Barthoumiou) est chargé de deux énormes paniers remplis de victuailles, d'une pompe à huile et d'une morue sèche. Avant tout comique dans la pastorale Maurel (il bégaie), le Jigè d'argile est beaucoup moins typé. On a souvent tendance à le confondre avec le Ravi.

    Les Vieux : ils sont trois. Le couple Jordan-Margarido, bras dessus-bras dessous, sans cesse en affectueuses querelles. Habits de bonne mise : jaquette, gilet brodé et lanterne à la main pour lui; coiffe de dentelle, châle fleuri, panier d'osier au bras pour elle. Tous deux sont escortés de l'ami Roustido, dont la tenue recherchée témoigne de la position sociale (ancien notaire) dans le village. Souvent muni d'un grand parapluie rouge.

    Ensuite pour finir, s'y sont ajoutés les seconds rôles, les figurants de tous les anciens petits métiers, le boulanger et son panier de fougasses, la marchande d'ail, la poissonnière, les valets de ferme portant lanternes, le pêcheur et son filet sur l'épaule, la femme à la cruche d'eau… 

    Les foires aux santons : 

    La plus célèbre se tient tout le mois de décembre aux allées de Meilhan - La Canebière à Marseille. Chaque année, une messe en provençal, dite "Messe des Santonniers", marque l'ouverture de la foire aux santons. Son origine remonte à 1803, où l'on dénombre déjà quelques vendeurs de santons cours Saint-Louis. Dès 1808, la municipalité autorise les vendeurs à s'installer cours Belsunce. En 1833, un arrêté municipal l'installe à son emplacement actuel, où elle est chaque année inaugurée par le Maire au son du fifre et du tambourin. Mais depuis quelques années, les lieux changent : elle s'est tenue d'abord sur le cours d'Estienne d'Orves, puis sur la place Charles-de-Gaulle (en 2012, du 17 novembre au 31 décembre, de 9 h à 19 h, avec plus de 30 santonniers).

    En 1937, la ville d'Aix-en-Provence inaugure sa première foire aux santons rue d'Italie et, depuis 1967, Aubagne organise la sienne cours Maréchal-Foch.

     

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